Actualités | 15.01.2021
Un nouvel arrêté, signé le 15 décembre dernier par trois ministres, place le Cameroun comme le premier pays en Afrique à imposer une obligation dans ses marchés publics d'une utilisation de bois d'origine légale.
Les ministres en charge des Forêts, des Travaux publics et des Marchés publics ont signé le 15 décembre dernier un arrêté conjoint fixant les modalités d’utilisation du bois d’origine légale dans la commande publique au Cameroun.
D’après des responsables au MINFOF, ce texte était attendu depuis 2016. Il est le fruit d’un travail de long terme entre le MINFOF et le CIFOR, avec l'appui de plusieurs bailleurs internationaux au travers de plusieurs projets financés par l’Union Européenne (Proformal) en collaboration avec la FAO (Essor) ou par le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (Profeaac) qui ont notamment montré que l'Etat restait le principal acheteur de sciages sur le marché domestique. En collaboration avec le MINFOF, le CERAD (Centre de Recherche et d'Action pour le Développement Durable) a mené de son côté le plaidoyer auprès des administrations publiques et des entreprises de BTP.
Ce texte implique une clause "bois légal" dans tous les marchés publics, qui impose un approvisionnement en bois d'origine légale pour les chantiers octroyés sur marchés publics. Désormais, les opérateurs économiques engagés dans les constructions d’édifices et/ou la commande publique en lien avec les produits dérivés du bois devront prouver l’origine légale du bois utilisé.
« Ce texte de portée économique est une avancée majeure dans la mise en application de l’Accord de partenariat volontaire pour le commerce légal du bois (APV-FLEGT) au niveau national. L’objectif est de limiter l’incidence des activités illégales sur les performances économiques du secteur forestier. Au demeurant, l’objectif de l’État est aussi de limiter l’importation des produits dérivés du bois. C’est un coup de pouce à une transformation poussée qui depuis plus d’une décennie est le ventre mou des politiques publiques », commente la cellule de communication du ministère en charge des forêts.
Le ministère des Forêts (MINFOF) devra s’assurer de la disponibilité du bois d’origine légale et du respect de cette disposition lors de la réception. La légalité sera vérifiée telle qu'elle est actuellement fixée et reprise dans les grilles de légalité APV. Pour la mise en œuvre de cet arrêté, le MINFOF est en train de relancer sa plateforme MIB (plateforme virtuelle pour les transactions de bois légal sur le marché intérieur, avec l’appui du projet Essor 2) qui proposera du bois d'origine légale venant de plusieurs concessions, forêts communales, et forêts communautaires. Un test sera pratiqué sur quelques opérateurs en 2021, qui sera généralisé une fois que la plateforme aura montré son efficacité. Guillaume Lescuyer du CIFOR-CIRAD relève que « plusieurs défis doivent encore être surmontés (réduction de la fraude documentaire, simplification des Permis d'Exploitation du Bois d'œuvre au bénéfice des petits producteurs individuels) pour assurer la légalité de ces approvisionnements, mais l'idée de cet arrêté conjoint est d'accroître les marchés pour ces producteurs légaux et de les inciter à se légaliser ».
Le décret ainsi signé est contraignant et applicable. Dans ce sens, le MINFOF lance actuellement une campagne de sensibilisation et de vulgarisation. Guillaume Lescuyer ajoute : « il nous faudra probablement avoir quelques cas marquants et symboliques pour démontrer la possibilité d’appliquer cet arrêté conjoint (et sans trop de surcoût) afin de convaincre plus largement. Un travail qui prendra donc encore un peu de temps ».
Pour l’heure, indique l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à travers son programme FAO-UE FLEGT, l’accès au bois d’origine légale reste une contrainte majeure pour le développement des PME de la sous-filière de transformation du bois au Cameroun.
« La proportion de sciages provenant de sources légales et approvisionnant le marché domestique est estimée à seulement 27% du volume total de bois d’œuvre en circulation dans les marchés des principales villes du pays. Les 73% restants représentent donc la part de bois illégale fournie dans le marché domestique et ses opérateurs », révèle FAO dans une note publiée au mois de septembre 2020.
Crédit photo d'illustration : G.LESCUYER / CIFOR
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