Les forêts tropicales sont les écosystèmes terrestres les plus productifs au monde et stockent des milliards de tonnes de carbone chaque année (Edwards et al., 2014). Elles ont donc un rôle important à jouer dans les stratégies d’atténuation du changement climatique et d’adaptation notamment grâce à leur biodiversité (Bele et al., 2011). Plus spécifiquement sur le continent africain, la région d’Afrique centrale est celle qui stocke le plus de carbone. Cette région compense partiellement les émissions de gaz à effet de serre du reste du continent, avec un bilan net de 171 millions de tonnes de carbone stockés par an (Valentini et al., 2014).
En maintenant un couvert forestier permanent et en évitant de convertir les forêts tropicales en d’autres utilisations des terres qui sont des sources majeures d’émissions de carbone (Asner et al., 2010), comme l’agriculture industrielle, la gestion durable des forêts (GDF) peut contribuer efficacement à la lutte contre le changement climatique (Bele et al., 2015; Chia et al., 2020). Reposant sur un plan d’aménagement, la GDF en Afrique centrale se traduit par une exploitation sélective du bois d’œuvre, en moyenne d’un à deux arbres par hectare tous les 25 à 30 ans (Umunay et al., 2019). Elle utilise des techniques d’exploitation forestière à impact réduit (EFIR) qui limitent les dégâts au peuplement (Nitcheu Tchiadje et al., 2016), tout en garantissant la rentabilité de l’exploitation (Pinard & Putz, 1996). Les superficies impactées par l’exploitation sont en conséquence très limitées : entre 2 et 10 % (Neba et al., 2014 ; Durrieu de Madron et al., 2000). Les certifications FSC et PAFC/PEFC permettent d’aller encore plus loin en plaçant, par exemple, certaines zones forestières sous protection intégrale (Daïnou et al., 2016).
Après le passage de l’exploitation, les forêts tropicales en régénération sont toujours d’importants puits de carbone (Kuplich et al., 2000). La GDF permet en effet de maintenir stocké une grande part du carbone forestier (Healey et al., 2000; Medjibe et al., 2011; Pearce et al., 2003; Pinard & Putz, 1996; Putz et al., 2008; Sonwa et al., 2011). Les forêts exploitées sélectivement retiennent en moyenne 76% du carbone qui était stocké avant l’exploitation (Putz et al., 2012), et jusqu’à 92% au nord-ouest du Gabon grâce aux pratiques EFIR (Medjibe et al., 2011). Les pratiques EFIR permettent une reconstitution à 100% du stock de carbone à l’issue du cycle d’exploitation (Gourlet-Fleury et al., 2013b; Putz et al., 2012), et parfois avant son terme : par exemple, en seulement 16 ans au sud de l’Amazonie (West et al., 2014), ou 24 ans en République Centrafricaine (Gourlet-Fleury et al., 2013b).
La mise en œuvre des plans d’aménagement permettrait une réduction de 29 à 50% des émissions de carbone liée à l’exploitation forestière tropicale (Cerutti et al., 2017b), à hauteur de 288 à 502 millions de tonnes de carbone par an tout en fournissant 45% de la demande mondiale en bois rond (Putz et al., 2008; Sasaki et al., 2016; Umunay et al., 2019).
"76 % du carbone est retenu dans les forêts exploitées sélectivement dans le cadre de la gestion durable des forêts (GDF)."
(Putz et al., 2012)
- L'adoption des pratiques EFIR peut entraîner une réduction des émissions de 288-502 TgC (1056-1840 TgCO2) (Sasaki et al., 2016).
- Les stocks de carbone retrouvent les niveaux d'avant l'exploitation forestière ou des niveaux plus élevés 40 ans après les pratiques EFIR si une retour prématuré est évité. Si la réouverture prématurée est autorisée, les stocks de carbone diminuent de 19,5 % et 34,4 % pour la première et la deuxième exploitation forestière prématurée, respectivement (Sasaki et al., 2016).
- L'application de la GDF aux forêts naturelles de production dégradées pourrait entraîner [...] une augmentation du stockage de carbone dans les écosystèmes des forêts tropicales humides (Imai et al., 2009).
- La gestion non durable dans de nombreux pays tropicaux a entraîné la dégradation des forêts et la déforestation, et a contribué à 17,5 % de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre (Commission européenne, 2019).
- Pratiquée correctement, la GDF implique une préparation minimale du site et des rotations prolongées, alors que la coupe à blanc entraîne une perte de masse et de matière organique du sol qui pourrait bien ne pas être compensée par une séquestration ultérieure par une croissance plus rapide des arbres. En général, donc, la pratique de la sylviculture [dans le cadre de la GDF] est bénéfique pour le bilan du carbone (Pearce et al., 2003).
- Dans des simulations comparatives de séquestration du carbone dans les forêts malaisiennes exploitées par des équipes formées suivant la ligne directrice des pratiques EFIR et avec des méthodes conventionnelles, Pinard et Putz (1996) ; voir également Boscolo et Vincent, 1998) ont montré que l'utilisation des pratiques EFIR permettait de conserver le carbone dans les peuplements récoltés et entraînait des taux de séquestration post-récolte nettement plus élevés en raison d'une plus grande densité des arbres de culture potentiels et de moins de problèmes avec les lianes et autres adventices (Pearce et al., 2003).
- Lors de la COP-15 de 2009 à Copenhague, les parties ont en outre convenu d'inclure non seulement la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation, mais aussi la conservation des stocks de carbone forestier, la gestion durable des forêts et le renforcement des stocks de carbone comme options d'atténuation dans le cadre d'un mécanisme REDD-plus de la CCNUCC (Arets & Veeneklaas, 2014).
- Les pratiques EFIR impliquent des pertes de carbone plus faibles à des niveaux d'extraction du bois similaires à ceux de l'exploitation forestière conventionnelle (Healey et al., 2000 ; Medjibe et al., 2011 ; Pinard et Putz 1996 ; Putz et al., 2008) dans Arets & Veeneklaas, 2014.
- L'amélioration de la gestion des forêts a permis de réduire les émissions de carbone d'environ 30 % par rapport à l'exploitation forestière classique (Putz et al., 2008).
- L'utilisation de meilleures pratiques d’exploitation dans les forêts tropicales destinées à l'exploitation forestière permettrait de retenir au moins 0,16 gigatonne de carbone par an (Gt C y -1). À titre de comparaison, la quantité totale de carbone émise en raison de la déforestation tropicale est estimée à 1,5 Gt y -1 (soit 20 % des émissions anthropiques mondiales). Ainsi, le potentiel de réduction des émissions par une meilleure gestion des forêts est d'au moins 10 % de celui que l'on peut obtenir en freinant la déforestation tropicale (Putz et al., 2008).