Actualités | 20.10.2023
La commission Carbone & Biodiversité reprend régulièrement les actualités et informations pertinentes sur le carbone et la biodiversité et prépare une synthèse. Nous vous partageons ici les points principaux de la 9e veille. La veille, dans son intégralité, est disponible sur demande pour les membres de l’ATIBT.
Cette 9e veille aborde les sujets suivants :
1. Six des neuf limites planétaires sont franchies : menace pour les forêts tropicales
Le concept de limites planétaires a été introduit en 2009, limites dans lesquelles l'humanité peut évoluer en toute sécurité. Une trentaine de chercheurs issus d'une dizaine de pays différents l'affirment, mesures à l'appui, six des neuf limites planétaires sont dépassées. La sixième limite récemment franchie concerne l’eau douce. Les chercheurs ont, pour la première fois, travaillé sur ce qu'ils appellent « l'eau verte », soit l’eau disponible pour les plantes. En plus de la déforestation, une baisse de l’humidité (due au réchauffement climatique) menace désormais directement des régions entières du bassin amazonien.
2. Augmentation de la déforestation des forêts primaires tropicales en 2022
Selon les dernières données de l’Université du Maryland publiées sur la plateforme Global Forest Watch de WRI, les régions tropicales ont connu une augmentation de 10% de la perte de forêt tropicale primaire en 2022 par rapport à 2021.
En 2022, les forêts primaires tropicales ont subi une perte totale de 4,1 millions d’hectares, correspondant à la disparition de 11 terrains de football par minute. Cette déforestation a entraîné l’émission de 2,7 gigatonnes (Gt) de dioxyde de carbone, soit l’équivalent des émissions annuelles de combustibles fossiles de l’Inde.
3. Critique sur la REDD+ : de nouveaux éléments pour alimenter le débat
À la suite du débat opposant pro et anti-REDD+ de ce début d’année, différents organismes et experts ont poursuivi leurs recherches pour tenter de démontrer l’efficacité réelle des projets REDD, c’est-à-dire leur capacité à générer des réductions d’émissions effectives par rapport au scénario de référence, celui-ci devant être le plus réaliste possible.
Du côté des défenseurs de la REDD+, une étude d’Everland publiée en août 2023, a analysé 53 projets REDD+ correspondant (selon Everland) à 83% de la surface couverte par les projets REDD+ certifiés VERRA et 71% des crédits REDD+ générés.
De l’autre côté du spectre, on retrouve une nouvelle étude de West et al. (groupe d’auteurs à l’origine de la première étude dont les résultats avaient servi de base à l’article du Guardian) publiée en août 2023 dans la revue Science, une étude de Calyx Global, et une étude du Berkeley Carbon Trading Projet « Quality assessment of REDD+ carbon credit projects » par Haya et al.
Nous le savons, les projets REDD+ bien menés génèrent des bénéfices positifs sur la biodiversité, les forêts, les populations locales. Les dénoncer serait donc contreproductif. Ce sont, comme souligné régulièrement, des initiatives en constante évolution et amélioration. En revanche, ces débats mettent en lumière les failles du modèle actuel des crédits carbone et obligent à une réflexion sur leur avenir.
4. Une nouvelle ère pour VERRA – Multiples changements méthodologiques
Le standard de certification carbone Verra, le principal organisme mondial de normalisation en matière d'action climatique et de développement durable, a réalisé dernièrement de nombreuses annonces dans le cadre de son programme Verified Carbon Standard (VCS). En effet, si l’une de ses publications récentes s’intitule « A New Era for Verra », où l’organisme vise l'élargissement de son impact, un engagement plus actif auprès de ses parties prenantes et de l'atteinte de l'excellence opérationnelle afin de faire progresser efficacement l'action climatique et le développement durable, les principales évolutions notables impactant les porteurs de projets concernent les nombreux changements sur le plan méthodologique, répondant en partie aux critiques qui l’entourent depuis ces derniers mois.
5. Méthodologie pour la certification du changement de pratique d’approvisionnement énergétique des entreprises forestières
La grande majorité des scieries en Afrique Centrale sont actuellement alimentées en électricité par des générateurs diesel. En raison de l’isolement des concessions forestières et du manque de marché pour les connexes de scierie, la quasi-totalité des connexes sont brûlées, représentant généralement 60-65% du volume total d’entrée en scierie. Cette pratique entraîne une consommation coûteuse de carburant d’une part et un manque à gagner par le brûlage des connexes de scierie d’autre part. Une installation de systèmes de cogénération telles qu’une chaudière à vapeur, une pyrogazéification ou pyrolyse permettrait de réduire ces coûts en évitant la consommation de gasoil et de générer des crédits carbone grâce à un changement de pratique moins émetteur de CO2éq.
Le mécanisme de développement propre (CDM - Clean Development Mechanism) fait partie de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). En tant que plus grand mécanisme réglementaire basé sur des projets, le CDM offre aux secteurs public et privé des pays à revenus élevés la possibilité d'acheter des crédits de carbone issus de projets de compensation dans des pays à revenus faibles ou intermédiaires.
Les projets CDM génèrent des crédits d'émission appelés réductions certifiées d'émissions (CER – Certified Emission Reduction), qui sont ensuite achetés et échangés. Plusieurs programmes de conformité et normes volontaires reconnaissent et acceptent les CER. Ces programmes ou normes comprennent le système européen d'échange de quotas d'émission et le Verified Carbon Standard (VCS) de Verra. Le Gold Standard certifie les projets qui utilisent les méthodologies du CDM et qui se conforment également à des critères supplémentaires du Gold Standard.
6. Situation des marchés du carbone volontaire en 2023
Depuis plusieurs années, les solutions climatiques basées sur la nature, notamment la conservation des forêts et la gestion des terres, font l'objet d'une demande croissante sur les marchés volontaires, cruciale pour parvenir à des émissions nettes nulles d'ici 2050. En 2021, les crédits carbone issus de ces projets représentaient plus de 66 % de la valeur des transactions sur les marchés volontaires du carbone, atteignant près de 2 milliards de dollars, soit plus du triple de 2020 (Figure 6), montrant ainsi le potentiel pour les porteurs de projets. Toutefois, à la suite des diverses critiques qui surviennent autour des marchés volontaires et des méthodologies appliquées (article 3), un léger ralentissement du nombre de projets NBS développés est constaté et donc d’émissions réduites ou séquestrées/absorbées en 2022 et sur le premier semestre 2023. Par ailleurs, la majeure partie des projets générés sont des projets d’évitement (REDD+ notamment).
7. Qu’est-ce que l’article 6 de l’Accord de Paris et quels sont les enjeux pour le secteur forestier ?
Alors que la COP28 approche, les pays et les négociateurs vont à nouveau devoir se pencher sur l’épineuse question de l’article 6 de l’Accord de Paris, dont les modalités de mise en oeuvre sont incertaines. L’article 6 est pourtant un point clé de l’Accord de Paris, puisqu’il définit les modalités selon lesquelles les pays peuvent coopérer (financièrement ou non) pour atteindre les objectifs de leurs Contributions Déterminées Nationales (CDN), c’est-à-dire les ambitions que chaque pays se fixe en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
L’article 6 de l’accord de Paris prévoit les modalités d’échanges entre les pays pour financer et atteindre les objectifs de leur CDN. Pour y voir plus clair sur ce sujet complexe, l’ONG The Nature Conservancy (TNC) a produit un guide synthétique sur les points clés de l’Article 6, en faisant le lien avec le secteur forestier et la REDD+. La veille décortique ses sous-articles et analyse les enjeux pour le secteur forestier et pour la COP28.
8. Actualités des certificats biodiversité, lien aux problématiques climatiques
À la suite de nombreux sommets et de littérature sur le sujet, il ressort clairement que le marché volontaire émergent des crédits/certificats de biodiversité offre un potentiel important pour aider à combler le déficit financier mondial pour la nature. Il permet un flux de financement basé sur le marché qui peut compléter d'autres mécanismes de marché (en plus du rôle toujours critique de l'aide au développement et du financement philanthropique). Toutefois comment le mesurer ? C’est notamment toute la question que se pose le consortium méthodologique de l’Organisation for Biodiversity Certificates à ce jour.
À tous les niveaux, le rôle essentiel de la nature - et des populations qui sont en première ligne pour protéger, gérer durablement et restaurer les écosystèmes - n'a jamais été aussi évident et n'a jamais eu autant besoin d'être soutenu.